samedi 29 mars 2014

Libre accès à la Réserve stricte

Les zones de la forêt de Bialowieza dans lesquelles sont effectuées les différentes recherches varient.
Pour le projet FUNDIVEUROPE, il s'agit de placettes dans la zone gérée de la forêt.
Pour d'autres projets, les placettes sont situées dans la réserve stricte, protégée depuis 1921, et dont l'accès est réglementé.




Le Parc National de Bialowieza a validé nos autorisations, et nous a donc transmis les papiers attestant que nous formons partie des personnes habilitées à aller dans la Réserve stricte.


Bien qu'en polonais, ces documents seront à présenter aux rangers du Parc National lors des contrôles.

Début du projet "Stock de graines" : prélèvements sur le terrain




Dès notre arrivée à Bialowieza nous avons débuté les prélèvements de sol du projet Stock de graines afin de pouvoir observer les germinations pendant l'été.





Les 43 placettes étudiées dans ce projet sont subdivisées en 9 carrés de 10 mètres de côté. Dans chaque carré, nous avons récolté 11 échantillons de 10 cm de la partie la plus superficielle du sol.

Schéma d'une placette, les points verts représentant les prélèvements
Récolte des échantillons sur le terrain
En deux semaines nous avons donc réalisé un total de 387 prélèvements... à ensuite trier! Au laboratoire nous avons donc enlevé les éléments grossiers et les racines avant de mettre les échantillons sous serre. Prochainement, nous observerons les différentes espèces herbacées qui pousseront dans nos échantillons.

Tri du sol au laboratoire.
Maléna en train de trier.. Encore du boulot !

lundi 24 mars 2014

Première confrontation avec le bison d’Europe !



Alors que nous nous dirigions vers de nouvelles placettes pour récolter des échantillons de sol, nous sommes passé très près de notre premier bison ! 


Ce vieux mâle imposant avait très belle allure. Pas inquiété par notre présence dans le véhicule, il nous a fixé un petit moment avant que nous le laissions :




Emblème du Parc National de Bialowieza
Emblème de la commune de Bialowieza
Le bison est l’emblème du Parc National de Bialowieza ainsi que du village de Bialowieza.




 Il est une mascotte de choix, étant donné sa rareté à l’échelle européenne.




Lorsque l’on parle de bison en règle générale, on pense tout de suite au cousin américain. Lorsque l’on apprend qu’il existe une espèce européenne, la surprise est parfois grande !
Sans faire de chauvinisme, il est établi que le genre « bison » (Bison sp.) est originaire d’Europe et aurait rejoint le nouveau continent au Pléistocène. Alors en plein âge glaciaire, le niveau des mers était bien inférieur qu’à l’heure actuelle, et il était alors possible de rejoindre le continent nord américain par l’extrémité Est de la Russie ou Kamatchatka, via le détroit de Bering :


Du fait de cette séparation, les bisons ont formé deux espèces distinctes : le bison d’Europe, Bison bonasus, et le bison nord-américain, Bison bison.
Cependant, ces deux espèces étaient très présentes sur l’ensemble des deux continents, pendant suffisamment de temps pour que s’amorcent des processus de spéciation et de différenciation au sein-même de ces deux espèces.
En Amérique du Nord par exemple, deux sous-espèces, l’une forestière (Bison bison athabascae) au Nord dans ce qui est aujourd’hui le Canada, et une autre de grands espaces ouverts, praires : Bison bison bison, le vrai bison de l’imaginaire collectif quoi !
En Europe, le même phénomène a plus ou moins eu lieu : le bison de plaine Bison bonasus bonasus diverge légèrement du bison du Caucase, ou bison montagnard, Bison bonasus caucasius !
Un bison, deux espèces, 4 sous-espèces… ça commence à faire beaucoup !

Le bison qui nous intéresse est le bison de plaine qui jadis parcourait les plaines de France et d’Europe : Bison bonasus bonasus. C’est cette espèce qui a été réintroduite à Bialowieza.

Mais alors, comment reconnaître un mâle ? Il y a un dimorphisme sexuel marqué entre les bisons (des différences entre mâle et femelle), et celui que nous avons rencontré possède au niveau des vertèbres thoraciques une forte musculature qui lui donne une apparence imposante. Ce simple caractère permet de différencier rapidement mâle et femelle !

jeudi 20 mars 2014

A Bialowieza, les pics sont les rois !



S’il y a bien une famille d’espèces qui tire partie de la non-gestion dans la réserve stricte de Bialowieza, c’est bien celles des Picidés, qui regroupe les différentes espèces de pics.
En effet, la forêt de Bialowieza leur offre un habitat de grande qualité :

1/ Pour se loger :
Les pics utilisent généralement des cavités qu’ils creusent pour nidifier. Elles sont généralement à plus de 7 mètres du sol, dans un arbre sain et de diamètre important.
Chaque espèce a ses préférences, mais la forte proportion de bois de gros diamètres et la diversité d’espèces dans la forêt de Bialowieza crée de nombreux habitats potentiels !
Ainsi, dans la zone intégralement protégée, les cavités nidifiables sont au nombre de 78 par hectare, alors qu’en France, dans un taillis-sous-futaie dont les arbres sont âgés de 120 à 180 ans (peuplement où la densité de cavités est maximale), on n’en recense qu’une dizaine (Pautz, 1998).

2/ Pour se nourrir :
Les pics se nourrissent d’insectes, notamment de larves et de nymphes situées sous l’écorce des arbres ou dans le bois. Les résineux colonisés par les scolytes (Coleoptera, Scolytidae), sont particulièrement recherchés par les pics, alors qu’ils sont aussi particulièrement fréquents dans la réserve stricte !
Pic épeiche observé dans le Parc de Bialowieza, ici sur robinier (Robinia pseudo-acacia)

Tronc d'épicéa attaqué par un pic noir
Attention, même si les arbres morts abritent de nombreuses proies pour les pics, ces derniers s’attaquent parfois aux arbres vivants :
Le Pic noir, par exemple, recherche des colonies de Fourmis charpentières (Camponotus herculeanus) qui vivent à l’intérieur des troncs de Sapin ou d’Épicéa.
Ces fourmis creusent le bois parfois jusqu’à dix mètres au-dessus du sol, tout en respectant l’aubier, laissant l’arbre attaqué vivant et en apparence en pleine santé (du moins avant que le pic ne s’y attaque à son tour). 
Pour atteindre ces fourmis bien cachées, le pic noir doit creuser des trous très profonds et très larges : ceux-ci peuvent atteindre 70 cm de long et 10-15 cm de large ! (Bang et Dahlström, 1991 ; La Hulotte, 2002b).


Le Pic noir peut aussi coincer dans les fentes de l’écorce d’un gros chêne des cônes de Pin ou d’Épicéa, qu’il épluche pour consommer les graines !

Autre habitude intrigante, les pics peuvent aussi se nourrir de sève qu’ils lèchent au printemps. Pour cela, ils creusent des trous et sirotent la précieuse liqueur !
M.Bartoli et P.Legrand (2005) rapportent les propos de Clergeau et Chefson (1988) dans leur article, qui décrivent ce comportement :
« Le Pic épeiche est fortement attiré par la résine et la sève sucrée riche en acides aminés. […] Sur certains troncs, il trace des lignes horizontales de trous qu’il revient visiter journellement. Il lèche la sève qui s’écoule de ces perforations profondes et ingère les nombreux petits insectes qui s’y sont englués. Ces couronnes de perforation, qui deviennent à terme de véritables anneaux, par réaction de l’arbre, ressemblent tout à fait à la collecte de la résine effectuée par l’homme. Un même arbre peut être exploité pendant plusieurs années et les bourrelets de cicatrisation sont d’autant plus importants que l’arbre est attaqué depuis longtemps. Le Pic épeiche exploite non seulement les conifères, mais aussi le Tilleul, le Hêtre, et même le Chêne ou le Charme ».

Quand on voit l’abondance d’habitats et de nourriture potentielles pour les pics, on imagine d’énormes quantités de pics dans la réserve stricte.
Or, il n’en est rien.



En effet, malgré l’apparente hospitalité des lieux, les densités d’oiseaux sont relativement faibles (Tomialojc, et al. 1984, Wesolowski et al. 2003).
Ce phénomène, difficile à expliquer, semble provenir du fait que la diversité des prédateurs est elle aussi élevée, au même titre que la diversité en espèces d’oiseaux. La mortalité des couvées serait donc élevée et empêcherait d’obtenir une densité élevée d’oiseaux.

A cette pression s’ajoute la relative faible surface de la réserve stricte, qui ne permet pas de fiabiliser les populations.
En effet, les zones gérées en périphérie de la réserve stricte ont des conséquences néfastes sur les habitats de pics, et si ces pics ne parviennent pas à nicher dans la zone gérée, à moyen terme ces espèces disparaîtront aussi de la réserve stricte, selon le Parc national.
A titre d’exemple, le Pic à dos blanc (Dendrocopos leucotos) a vu sa fréquence d’apparition diminuer de 2/3 entre 1991 et 2005 dans la forêt exploitée. (Czeszczewik et Walankiewicz, 2006).

Ces observations questionnent en profondeur la philosophie des espaces protégés proposée par Falinski (ancien directeur de la station de recherche Bialowieza), au sein de laquelle on garderait des zones exclusivement dédiées à la protection et d'autres exclusivement dédiées à la production de bois pour alimenter l'industrie. 
L'importance des zones non-protégées et exploitées ne doit pas être négligées, et leur gestion doit répondre à d'autres enjeux que celui de la stricte production de bois... Mais ceci est un autre débat..

Pour aller plus loin :
P. LEGRAND, M. BARTOLI (2005), Des pics et des arbres, Rev. For. Fr. LVII - 6-2005, 12 p.

mardi 11 mars 2014

Un réseau européen de placettes permanentes

Dans le cadre du projet européen FUNDIVEUROPE, les chercheurs de la station géobotanique de Bialowieza ont mis en place une série de 43 placettes permanentes qui font l'objet de nombreuses recherches. Nous utiliserons en partie ces placettes lors de notre stage.

FUNDIVEUROPE, mais qu'est-ce-que-c'est ?
Site internet du projet : http://www.fundiveurope.eu/
FUNDIVEUROPE est l'acronyme pour Functional significance of forest biodiversity in Europe.
Il s'agit d'un programme de recherche européen débuté en Octobre 2010.
Les chercheurs de 24 institutions issues de 15 pays travaillent sur la quantification de l'influence de la biodiversité sur les fonctions et services des écosystèmes forestiers (productivité, stabilité, stock de carbone, cycle de l'eau...)
L'autre objectif  est de fournir des informations pertinentes et compréhensible pour les décideurs. 

La méthode adoptée combine des données ponctuelles issues des placettes permanentes, ainsi que les données des différentes données d'inventaires forestiers.

Concernant les placettes permanentes, un réseau de 300 placettes dans les 6 grands écosystèmes forestiers européens ont été installés.


Répartition des placettes permanentes. (L. Baeten et al., 2013)


Afin d'optimiser la fiabilité statistique des résultats, l'ensemble des caractéristiques à observer le sont dans les mêmes placettes. Ainsi, les expérimentations se succèdent et se combinent pour utiliser une liste exhaustive de données.


Et les placettes permanentes, elles sont pensées comment ?

Pour les placettes permanentes que nous utilisons parfois lors de notre stage, l'objectif était d'avoir un gradient de diversité en espèces d'arbres croissant, avec toutes les combinaisons possibles entre les 5 espèces choisies.

Dans le cas de la forêt de Bialowieza, les 5 espèces sont : Tilleul (Tilia cordata), Chêne pédonculé (Quercus robur), Charme (Carpinus betulus), Epicéa (Picea abies), et Pin sylvestre (Pinus sylvestris).



Le design des placettes est présenté ci-dessous : 



Une fois le design de distribution des espèces selon un gradient de diversité, la taille de la placette a été définie comme suit :