vendredi 14 novembre 2014

Restitution de l'étude sur le fonctionnement du Parc national de Bialowieza

Le vendredi 7 novembre, nous étions au siège du futur parc national entre Champagne et Bourgogne afin de restituer nos travaux sur le parc national de Bialowieza. 

Nous avons abordé la réglementation du parc, l'accueil du public ainsi que l'insertion de la Recherche au sein du territoire. 
Le public, intéressé et curieux, a alimenté la réflexion avec des questions pertinentes qui essayaient de transcrire les points de blocage rencontrés ailleurs sur le territoire du futur parc.

Cette restitution est l'occasion pour nous de remercier le futur parc national pour son soutien financier lors de notre expérience en Pologne, soutien qui s'inscrit dans une démarche d'ouverture à l'international du futur parc, d'une part, et de soutien aux jeunes générations d'autre part.

Crédits photographiques: GIP du futur parc national entre Champagne et Bourgogne


samedi 16 août 2014

Beaucoup de bois mort.. mais combien ? Test de la méthode de Van Wagner



L’objectif de ce projet est de tester in situ la méthode de mesure du bois mort mise au point par Van Wagner (1964).

Cette méthode, dite d’échantillonnage linéaire permet d’estimer un volume de bois mort au sol à partir de transects d’une longueur donnée. Concrètement, il s’agit de mesurer le diamètre des pièces de bois mort qui interceptent une ligne fictive mise en place pour l’échantillonnage. Selon la précision souhaitée, la longueur de cette ligne varie.



L’avantage de cette méthode est qu’elle ne nécessite que le diamètre interceptant la ligne, la longueur des pièces de bois mort n’intervient pas. C’est ce principe, du moins partiellement, qui est utilisé dans le protocole des Réserves Naturelles de France (Bruciamacchie, 2002).

Nous avons ajouté à cette méthode des placettes circulaires, à rayon fixe de 9 mètres (8,92 m pour une surface échantillonnée de 250 m²), situées à 36 m de chaque extrémité de transect. Dans ces placettes, nous mesurons le bois mort sur pied dont le diamètre est >10 cm et la hauteur > 1.30 m, en distinguant les arbres entiers des arbres cassés.

La finalité de ces mesures est d’étudier l’influence du volume de bois mort au sol et sur pied sur d’autres paramètres écologiques, et notamment sur la diversité des groupes végétaux (plantes, lichens, mousses,…).

Dans cet objectif, la station de recherche a fait appel à différents spécialistes des mousses et lichens, parfois extérieurs à l’Université de Varsovie, pour mener les inventaires de terrain (et l’identification des espèces).

Cette méthode, intéressante, nécessite néanmoins pas mal de journées de travail de terrain. Cependant, sa réalisation est assez aisée une fois deux concepts maîtrisés :

- Les classes de décomposition du bois mort, qui peuvent être enseignées en quelques heures sur le terrain.
- L’identification de l’essence en décomposition. Cette étape, plus délicate, nécessite d’assimiler certains indices pour identifier les espèces (écorce, branchaison, structure macroscopique du bois,…). Plus le bois est décomposé, plus la classification est délicate et évidemment cela devient parfois impossible d’arriver jusqu’à l’espèce. La distintion Résineux/Feuillus est cependant toujours franche et facile.

La progression est parfois rendue compliquée par la présence de nombreux bois morts au sol

Mesure de hauteurs à l'aide du Trupulse (c)













Une fois ces deux clefs de détermination maîtrisées, ce genre de relevés peut typiquement être réalisé par des groupes d’étudiants.
Ils n’accumuleront que peu d’erreurs sur la mesure et apporteront une force de travail non négligeable. De plus, la grosse lacune des recherches sur le bois mort est l’absence de suivi sur le long terme. Effectuer ce type de campagne de façon annuelle dans le cadre d’une formation universitaire s’avérerait intéressant (notamment dans la Réserve Biologique Intégrale). 

samedi 9 août 2014

Le chêne, icône de la forêt naturelle ?



Dans l'imaginaire de beaucoup de personnes, la forêt primitive regorge d'arbres immenses, pluricentenaires.
Le chêne, par les dimensions qu'il peut atteindre, ferait alors office de figure de proue d'une forêt rêvée !

En réalité, les chênes présents à Bialowieza, ou du moins leur abondance n'est qu'un écho des activités humaines passées.

En effet, la forêt de Bialowieza poursuit aujourd'hui une transformation amorcée plusieurs siècles auparavant...

Jusque au début du XVIIIe siècle, de nombreuses ruches étaient présentes dans la forêt. Les incendies étaient plus fréquents qu'aujourd'hui, notamment parce que certains apiculteurs tentaient de "nettoyer" le sous-étage afin d'accéder aux ruches.
Du fait de ces pratiques, le pin sylvestre représentait en 1800 environ 80 % de la surface forestière totale, d'après le conservateur de l'époque Julius Von den Brincken !

Les écrits d'époque apportent de précieuses informations lorsque l'on étudie des processus écologiques de l'ordre du siècle (Source : A. Bobiec (2013))
En 1820, le brûlage est interdit, et la fréquence des incendies aurait diminuée fortement. Dès lors, la proportion de pins diminue fortement, laissant la place à des peuplements d'épicéas ou de chênaies-tilliaies.

Modèle d'évolution des principales essences de la forêt de Bialowieza (Source : A.Bobiec, 2013)
A partir des années 1900, on constate que la régénération de chênes dans la forêt de Bialowieza est insuffisante pour assurer le maintien des peuplements.

A.Bobiec, chercheur à Bialowieza, pensait que le chêne se régénérait mais de façon diffuse, de telle sorte que cela ne ressortait pas dans les inventaires inventaires imprécis. On peut en effet observer de jeunes chênes dans certaines clairières !


Seulement, après une campagne d'inventaires dirigée par lui-même, M. Bobiec a du constater que la régénération de chêne était bel et bien insuffisante et qu'en conditions naturelles, la proportion de chênes allaient bien diminuer, suivant un modèle de population décadente.

Le chêne, très présent dans certains secteurs de la forêt, correspond donc davantage à un écho des activités humaines passées.


Il a bénéficié de l'arrêt de l'incendie, une première fois, en 1820.
Aujourd'hui, seuls les peuplements d'épicéas décadents et attaqués par les scolytes offrent des lieux de régénération suffisante. Ces mêmes peuplements d'épicéas se sont installés à la suite de la fin des incendies !
Régénération de chêne dans de grandes clairières, au sein de peuplements d'épicéas ravagés par les scolytes

Selon M. Bobiec, certains secteurs présentant une moindre proportion de chênes, avec une plus forte proportion de tilleuls et de charmes correspondent davantage à des reliques de forêt primaire.
On suppose aussi que les zones marécageuses, moins accessibles, sont à même de renfermer la plus grande naturalité.

samedi 2 août 2014

Retour sur une semaine de cours avec des étudiants de M1


Le professeur B. Jaroszewicz et les étudiants
La dernière semaine de  Mai,  nous avons participé aux cours d'un groupe d'étudiants du Master 1 "Environmental Management" de la Faculté de Biologie de Varsovie.

Ce cours dans la station de recherche de Bialowieza avait pour objectifs de sensibiliser les étudiants au travail de terrain, d'une part, ainsi qu'aux grandes lois qui régissent les écosystèmes forestiers, d'autre part.

Après une introduction théorique, nous avons formé des groupes pour faire des relevés dendrométriques au sein de la réserve du Parc National.

Ces relevés avaient pour but de distinguer les différences entre 3 associations végétales typiques du parc national : "Tilio-carpinetum typicum" (Charmaie-Tillaie), "Wet Tilio-carpinetum" (Charmaie-Tillaie plus humide et riche, avec frêne et ormes) et enfin "pine bog forest" (Pinède sur tourbe).

Les pinèdes sur tourbe
Maléna se transforme en dessinatrice de talent !
Le traitement des données incombait aux étudiants, tandis que nous avions une mission particulière : dessiner 1 transect de 20 mètres dans chaque association pour y observer comment les arbres y occupent l'espace.

Nous avons donc en fin de semaine suivi les présentations des autres étudiants, puis nous avons présenté notre propre interprétation des dessins que nous avions fait !

 Nous avons ainsi tenté d'expliquer comment les perturbations intermédiaires (décès d'un ou plusieurs arbres,...) amorcent un renouvellement permanent de la composition en espèces, classes d'âges, etc... et des différentes stratégies de survie présentes chez les arbres.
Exemple de diapositive utilisant le croquis








Pouvoir bénéficier des explications de notre maître de stage nous a été très bénéfique, et a permis de clarifier parfois certains points délicats.

dimanche 18 mai 2014

Qui dit pluie dit… travail de labo.


Après une semaine de pluie comme celle-ci, il était temps de présenter un peu le travail que l’on fait lorsque la météo ne nous permet pas d’aller en forêt !

Dans le cadre du projet Bois mort du doctorat d’Ewa (voir l’article sur le projet en cliquant ici), nous préparons les échantillons de bois prélevés sur le terrain afin de les analyser.

1. Pour ce faire, nous devons récupérer les échantillons,  et dans un premier temps les prédécouper.





2. Ensuite, nous les laissons tremper 20 min dans l’eau afin qu’ils s’imbibent suffisamment et que la mesure de leur volume ne soit pas faussée par quelque absorption d’eau que ce soit.


3. Pour mesurer leur volume, nous utilisons la bonne vieille technique qui consiste à mesurer la différence de volume d'eau. Mais si, vous aviez au moins fait ce genre de manipulation en TP de Géologie dans votre scolarité !



4. Une fois le volume mesuré, nous mettons les échantillons à sécher à l’étuve pendant au moins 2 semaines, à 55 °C.

5. Une fois secs, nous les redécoupons et les broyons afin d’obtenir une poudre grossière.

6. Cette poudre grossière est ensuite passée à la centrifugeuse pour obtenir une poudre fine.








C’est cette poudre fine, et plus précisément des tubes à essais remplis de 2,00 g de cette poudre fine qui seront analysés.

Mais pourquoi ? La réponse est dans le protocole, détaillé en cliquant ici.
 

samedi 3 mai 2014

Les pics, amis ou ennemis du forestier ?



A Bialowieza, les 10 espèces de pics européens sont présents.

Or, le pic, pour se nourrir, ne fait pas de cadeaux aux arbres qu’il attaque grâce à ses puissants coups de bec. A première vue, rien d’encourageant pour le forestier… Mais c’est mal connaître l’écologie de cette espèce clef !

1. Avant toute chose, il faut se demander objectivement quelle est l'étendue des dégâts que ces espèces peuvent causer.

Sur ce sujet, Il est vrai que les pics s’attaquent parfois à des arbres encore vivants. Seulement, les dommages occasionnés sont disséminés, ils n’ont pas de réel impact pour la gestion courante.
Le bois mort reste leur principale source de nourriture et d’habitat ! (Legrand et Bartoli, 2005)

Par ailleurs, les écorçages provoqués par les pics concernent des arbres colonisés et généralement condamnés par les insectes sous-corticoles.
Mieux encore, ces écorçages ont souvent lieu à un stade précoce du développement larvaire des insectes, alors que les arbres ne présentent pas de symptôme particulier (ils ont encore un houppier vigoureux,…). Ces écorçages sont donc pour le forestier un outil précieux de détection précoce d’arbres contaminés par les insectes !

2. Ensuite, le forestier peut se demander si le pic ne pourrait pas participer à la régulation des insectes ravageurs, étant donné qu’il sen nourrit.

Pic tridactyle
(Source :http://www.wsl.ch)
Dans certaines zones, une telle régulation est en effet possible.
En Suisse par exemple, le Pic noir et le Pic épeichette, et surtout le Pic tridactyle participent à la régulation des scolytes. (Legrand et Bartoli, 2005)
Le pic tridactyle est d’ailleurs surnommé « le spécialiste des scolytes » (Nierhaus-Wunderwald, 1993 ; Miranda et Bürgi, 2005).

Evidemment, il est inutile de tout faire reposer sur les pics. D’après Legrand et Bartoli, la régulation fonctionne pour des densités d’insectes faibles. Néanmoins, la présence d’espèces de pics joue favorablement pour le forestier.

Traces de scolytes sur épicéa
Enfin, les pics jouent un rôle clef pour l'écosystème forestier : ils forment un groupe d’espèces dit parapluies car leur présence permet à d’autres espèces de se développer, parce qu'elles utilisent des cavités abandonnées pour nidifier, parce qu'elle se nourrissent du bois déjà attaqué par le pic,... Ces espèces peuvent même être assez rares car spécialisées ! (Legrand et Bartoli, 2005)
Chouettes, merles, etc… les habitants de la forêt qui bénéficient du travail de sape des pics sont nombreux !

Maintenant que la préservation des pics en forêt semble pertinente, le principal problème pour nous est de savoir :
Quels pics puis-je avoir dans ma forêt ? Comment les intégrer dans ma gestion ? Comment procéder ?

Ces questions, parfois peu évidentes, trouvent leurs réponses dans des notes de service ou des fiches synthétiques réalisées par différents organismes. A titre d’exemple, le tableau ci-dessous réalisé par l’Institut fédéral de recherches WSL (en Suisse) qui présente, pour les habitats helvètes les plus fréquents les pics potentiellement présents et les mesures de gestion associées.
 
Source : B. MIRANDA, M. BÜRGI  (2005) Les pics, habitants exigeants des forêts. ; Birmensdorf : Institut fédéral de
recherches WSL, Notice pour le praticien, n° 40, 2005, 8 p.
D’autres démarches peuvent exister en France, comme les travaux réalisés par le PNR du Haut-Languedoc dans le cadre de leur Charte Forestière de Territoire, qui ont travaillé sur l’élaboration de guides simplifiés pour les propriétaires pour intégrer les enjeux environnementaux dans la gestion courante.

jeudi 10 avril 2014

Primaire, vous avez dit primaire ?



Si l’on vous dit que nous sommes dans la forêt primaire de Bialowieza, strictement protégée, vous imaginez les grands chênes de 400 ans, les épicéas atteignant des hauteurs records, … 
Bref, vous imaginez une forêt pleine de vitalité, véritable force de la nature.
Et vous n'avez pas tort pour une grande partie de la forêt.

Mais, imaginez alors votre étonnement à la vue de certaines parcelles de la zone strictement protégée complétement ravagées :

 En effet, la parcelle ci-contre, originellement composée d’un mélange Epicéa-Pin sylvestre a vu entre 2002 et 2004 les épicéas dépérir dans leur grande majorité sous l’effet d’attaques de scolytes.

En 2011-2012, une nouvelle vague s’est attaqué aux épicéas restants. 

Les pins ont eux-aussi subi différents stress induits par la perte des épicéas alentours : coups de chaud, mise en lumière soudaine,  attaques d’insectes…

Des zones comme celles-ci font dire à certains forestiers locaux (et de mauvaise-foi) que la forêt ne survit pas si elle n’est pas entretenue par leurs soins.

Sans accorder de crédit à de telles assertions, on peut malgré tout se demander pourquoi ne pas intervenir si l’habitat que l’on protège se dégrade ?

En fait, la réponse réside dans l’objectif de conservation fixé par chaque réglementation !

Dans la zone strictement protégée, l’objectif est de conserver les processus naturels sans aucune intervention.
Ce qui fait l’objet d’une protection, ce sont tous ces mécanismes naturels de dépérissement, puis de rajeunissement de la forêt, de vieillissement, etc… Le maintien de ces phénomènes naturels peut effectivement modifier temporairement l’état d’un écosystème, mais on respecte ainsi le fonctionnement de la forêt. 

L’exemple du castor est parlant : dans certains secteurs, celui-ci peut faire varier significativement le niveau de la nappe d’accompagnement de la rivière où il vit. Ainsi, selon l’endroit où il choisit son barrage, les forêts peuvent dépérir soit par manque d’eau soit par excès d’eau, et on perd alors l’habitat forestier présent initialement.

Dans les zones de Réserves forestières en revanche, la réglementation polonaise fixe comme objectif le maintien d’un habitat particulier, pour sa rareté ou son intérêt écologique remarquable, voire patrimonial.
Dans cette réglementation, une intervention pour sauver des épicéas d’une attaque massive de scolyte serait envisageable, tout comme détruire le barrage d’un castor incongru qui menacerait un des habitats protégés ! 
Enfin, en principe, car le castor fait lui aussi l’objet d’une protection particulière, en tant qu’espèce et son habitat (dont le barrage fait partie) ne doit pas être altéré… 
On entre alors dans un casse-tête réglementaire, dont l'arbitrage reviendrait en France au CNPN, Conseil National de la Protection de la Nature.